Pour une mode encore plus responsable, lance ta machine à laver lorsque l’électricité a peu d’impact sur le climat

Adrien de Vriendt
9 min readOct 22, 2020

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Nos 18 conseils pour limiter à la fois l’impact social et l’empreinte environnementale de la production et de l’entretien de tes vêtements

L’industrie de la mode et du textile est un des symboles des excès de notre système consumériste qui asservit l’homme et épuise notre planète. En moyenne, on consomme 19 kilos de textile par an et par habitant dans l’Union Européenne, dont 13 kilos d’habits, et ce chiffre est en constante augmentation. L’impact social et écologique de la production des textiles et de leur transformation est colossal, ce qui semble acquis désormais. Néanmoins, la majeure partie des impacts environnementaux de l’industrie textile se concentre lors de l’utilisation des vêtements (lavage, séchage, repassage et entretien).

Pour combattre le fléau actuel de la “fast fashion”, il faut d’abord bien en comprendre les causes. Si un effort doit être impérativement fait lors de l’achat, il ne faut pas oublier les écogestes qui comptent énormément dans l’impact des habits ! Tour d’horizon des enjeux et des solutions pratiques sur toutes les étapes du cycle de vie de tes vêtements, pour sauver l’homme et la planète.

Comment réduire l’impact social de l’industrie textile ?

L’impact social de l’industrie du textile et de la mode est connu depuis très longtemps. Il ne faut pas oublier que l’industrie textile est une des premières industries née de la révolution industrielle des pays dits “avancés”. Au fil du développement économique des Nations, cette industrie à faible valeur ajoutée a progressivement quitté les régions industrielles d’Europe et d’Amérique du Nord pour les “zones franches d’exportation” de la Chine communiste. Dès les années 1970, certains journalistes osent faire des reportages sur les conditions de travail des ouvriers de l’industrie des équipements sportifs dans les “sweatshop” asiatiques. Suite à une première prise de conscience de certaines ONG luttant contre le travail des enfants, les conditions de travail de ces ouvriers se sont légèrement améliorées.

Néanmoins, pour proposer toujours plus d’articles de mode au moindre prix, les multinationales ont poursuivi la délocalisation vers des usines moins regardantes sur les conditions de travail des ouvriers (Asie du Sud-Est, Mexique, Moyen-Orient et plus récemment en Afrique). En 2013, la présence d’étiquettes de grands groupes textiles internationaux (Auchan, Benetton, C&A, Primark, Mango) dans les ruines de l’atelier textile de fortune du Rana Plaza au Bangladesh (1127 morts) vient rappeler à l’opinion publique les conséquences de la “fast fashion”.

Plus récemment, le travail forcé des minorités musulmanes Ouïghours en Chine pour des sous-traitants de marques d’équipements sportifs (Adidas, Nike) entre autres, a été pointé du doigt par une équipe australienne. L’exploitation des travailleurs en “bout de la chaîne” ne doit pas faire oublier celles des cueilleurs de coton en Ouzbékistan en “début de chaîne”, parfois soumis à du travail forcé. Différentes marques et associations cherchent désormais à (re)construire des chaînes d’approvisionnement plus respectueuses des Droits de l’Homme.

Atelier textile au Bangladesh (Crédit : Tous droits réservés (autorisés pour cet article par le photographe)— https://www.flickr.com/photos/zakir_hossain/)

CONSEILS pour réduire l’impact social des vêtements :

1 — Acheter moins de vêtements neufs, “à la mode” et éphémères, de marques multinationales peu transparentes sur le lieu de fabrication

2 — Privilégier la seconde-main (vive les frippes !)

3 — Privilégier les vêtements plus sobres d’un point de vue esthétique de marques responsables et éthiques (au hasard, Loom pour les pulls, 1083 pour le pantalon, le Slip français pour les sous-vêtements ou Jolies mômes pour la lingerie)

Comment réduire l’impact environnemental de l’industrie textile ?

Pour ce qui est de l’impact environnemental de l’industrie du textile et de la mode, il se décline au fil du “cycle de vie” du produit : production de matières premières ; transformation et production ; transport ; utilisation et fin de vie.

L’industrie textile utilise un grand nombre de matières premières d’origine naturelle ou d’origine synthétique. Les matières premières principales sont: le coton (tissu), le caoutchouc naturel (chaussures), la laine (tissu) et le cuir (chaussures et maroquinerie), tous d’origine agricole, et le nylon (tissu) et le caoutchouc synthétique (chaussures) d’origine chimique (transformation d’hydrocarbures). En plus des impacts sociaux vus plus haut, la culture du coton est souvent décriée pour ses impacts environnementaux en terme de consommation d’eau et d’utilisation d’engrais agricoles. Le coton représente actuellement environ 43% des fibres utilisées dans les produits textiles en Europe, et à titre d’exemple, pour faire un jeans, il faut environ 9000 litres d’eau, et 3000 litres d’eau pour un t-shirt en coton. Pendant l’ère soviétique, les agronomes communistes décidèrent d’intensifier la culture du coton en Ouzbékistan et au Kazakhstan en détournant les deux fleuves principaux qui se jetaient dans la Mer d’Aral pour irriguer les cultures par plusieurs canaux. La conséquence de cette décision fut la quasi-disparition de la Mer d’Aral, premier lac proche de la disparition.

Lors de la transformation et production, l’impact environnemental peut aussi être important. Il faut transformer les fibres, les tisser, les teindre et les transformer. La teinture des textiles est la deuxième plus grande source de pollution d’eau au monde. En effet, les eaux résiduelles du processus de teinture sont souvent déversées dans des fossés, des ruisseaux ou des rivières à proximité des usines dans les pays émergents. La teinture des textiles utilise la quantité d’eau équivalente au remplissage de 2 millions de piscines olympiques par an.

La maison de Moyna au Bangladesh est complètement inondée par les eaux de crue contaminées par l’industrie locale. Le Bangladesh est l’atelier textile du monde. (Crédit : Creative Commons — DFID / Rafiqur Rahman Raqu, 2009)

Pour ce qui est de la transformation des matières premières d’origine synthétique, beaucoup de fibres textiles sont en polyester, un plastique que l’on trouve dans environ 60% des vêtements. La production industrielle de polyester à partir d’hydrocarbures libère deux à trois fois plus d’émissions de Gaz à Effet de Serre que celle du coton, d’autant plus que ce polyester ne se décompose pas dans l’océan. Par conséquent, le choix de fibres peut être problématique, car le coton et le polyester ont des avantages et des inconvénients.

CONSEIL pour un textile durable :

4 — Privilégier des fibres écologiques d’origine végétale alternatives au coton (lin, chanvre, ortie, etc.) ou d’origine synthétique (lyocell, fibre 100 % cellulosique et biodégradable, produite à partir de pulpe de bois (feuillus, eucalyptus, bambou) ou fibres synthétiques issues du recyclage de bouteilles en plastique (pour les polaires))

4 bis— Privilégier des fibres recyclées (encore au pif, Hopaal produit principalement en France des vêtements à partir de ~40% de coton recyclé et de ~30% de polyester recyclé) (voir fin de l’article pour la fin de vie des vêtements)

Au global, l’industrie du textile est responsable de près de 10 % des émissions mondiales de carbone, soit plus que l’ensemble des vols internationaux et du transport maritime. Si rien n’est fait pour lutter contre le chaos climatique à venir, si le secteur de la mode poursuit sa trajectoire actuelle, sa part dans les émissions mondiales de carbone pourrait passer à 26 % d’ici 2050 (Fondation Ellen MacArthur).

La phase d’entretien des habits a la plus grande empreinte écologique dans le cycle de vie des vêtements en raison de l’eau, de l’énergie et des produits chimiques utilisés pour le lavage, le séchage et le repassage, ainsi que des microplastiques rejetés dans l’environnement. Par exemple, l’entretien des vêtements dans l’UE représente 45% de l’empreinte carbone totale des vêtements, 60% de la consommation d’eau et 77% de l’écotoxicité de l’eau douce et des milieux marins. On estime que 35% de tous les microplastiques — de très petits morceaux de plastique qui ne se bio-dégradent jamais — dans l’océan proviennent du lavage de textiles synthétiques comme le polyester. Dans l’ensemble, on estime que les microplastiques constituent jusqu’à 31 % de la pollution plastique dans l’océan.

CONSEILS pour réduire l’empreinte environnementale du lavage :

5 — Réduire le besoin de laver les vêtements

// Aérer les vêtements plutôt que les mettre en boule dans un coin

// Utiliser des parfums/huiles essentielles pour neutraliser certaines odeurs

// Laver les vêtements moins souvent, c’est à dire les porter plus longtemps

6 — Acheter une machine à laver avec une bonne étiquette énergétique (dans le cas d’un renouvellement de machine uniquement)

7 — Régler correctement la machine pour un lavage écologique

// Éviter les programmes de prélavage

// Laver à froid et réduire la température de lavage, bon pour les vêtements et pour la planète. Dans la plupart des cas, 30° ou 40° suffisent!

// Utiliser le moins de détergent possible

// Utiliser le programme “éco” du constructeur, souvent plus long mais plus économe en eau et en électricité au total

8 — Bien entretenir la machine (détartrage), cela permet de réduire la consommation électrique

9 — Augmenter le remplissage de la machine

10 — Lancer la machine lorsque l’électricité à un impact limité sur le climat

// L’électricité a un impact sur le climat qui dépend de l’heure de la journée. Adopte le réflexe adapt pour réduire l’empreinte carbone de ta machine à laver sur : https://www.adapt.sh/

CONSEILS pour réduire l’empreinte carbone du séchage et du repassage :

11 — Réduire le besoin de sécher les vêtements avec un sèche-linge

// Privilégier le séchage sur un étendoir ou à l’extérieur (n’oubliez pas qu’il faut du vent et de la chaleur pour sécher efficacement le linge)

// Éviter le séchage au sèche-linge à tout prix, très énergivore!

12 — Réduire le besoin de repasser

// A bas les conventions ! Ne plus repasser, c’est plus simple ! Plus économique, ça fait gagner du temps et de l’énergie !

// Lancer une mode “bas carbone” de chemises froissées, pour éviter la consommation inutile d’électricité !

13 — Lancer le sèche-linge ou repasser lorsque l’électricité à un impact limité sur le climat

// L’électricité a un impact sur le climat qui dépend de l’heure de la journée. Adopte le réflexe adapt pour réduire l’empreinte carbone sur : https://www.adapt.sh/

L’industrie de la mode et du textile a aussi un impact lors de la fin de vie des vêtements. Moins de la moitié des vêtements usagés sont collectés pour être réutilisés ou recyclés lorsqu’ils ne sont plus nécessaires, et seulement 1 % sont recyclés en vêtements neufs, car les technologies qui permettent de recycler les vêtements en fibres vierges commencent seulement à émerger. Globalement, sur l’ensemble des fibres utilisées pour les vêtements, 87 % sont incinérées ou mises en décharge lors de la fin de vie des vêtements.

CONSEILS pour réduire l’impact de la fin de vie des vêtements :

14 — Éviter les vêtements avec une mode “éphémère”, mais aussi tous ces accessoires futiles!

15 — Prolonger la durée de vie des vêtements

16 — Privilégier le don des vêtements encore utilisables et en bon état

17 — Partager les vêtements d’enfants à ses proches

18 — Recyclez les vêtements (qui pourront être revalorisés en fibres, voir conseil n°4bis)

En conclusion, l’industrie de la mode et du textile est bel et bien le reflet de notre société consumériste. Les exemples récents présentés précédemment nous le rappellent, les multinationales ont toujours choisi les pays pratiquant le “dumping” (nivellement par le bas) des normes salariales et écologiques, alors que les chaînes d’approvisionnement demeurent globalement longues et assez opaques. Malgré des beaux rapports assez complets publiés ces dernières années par des cabinets de conseils libéraux, d’habitude peu soucieux des Droits de l’Homme et de l’environnement, le secteur pousse toujours à la consommation sans remettre en question l’intérêt de la “mode” qui accroît les désirs futiles et superficiels.

Comme pour l’énergie, la seule issue de sortie pour réduire durablement notre impact est d’adapter notre mode de vie à l’urgence du réchauffement climatique. Cette adaptation se fera avec la sobriété avant tout.

C’est le combat que nous portons chez adapt. Pour réduire ton empreinte climatique au quotidien avec ta machine à laver, rdv sur : https://www.adapt.sh/

A quand un défilé à la “Fashion Week” de Paris ou de Milan avec des mannequins qui ressemblent à M. ou Mme Toulemonde, en habits de seconde main lavés à l’électricité bas-carbone ?

Principales sources de référence sur le sujet dont sont issus les chiffres de l’article

Droits de l’Homme

Clean Clothes Campaign

Australian Strategic Policy Institute — Uyghurs for sale — ‘Re-education’, forced labour and surveillance beyond Xinjiang — 01 Mar 2020

Human Right Watch — Forced Labour in Uzbekistan

Empreinte écologique

Rana, Sohel & Pichandi, Subramani & Moorthy, Shabaridharan & Bhattacharyya, Amitava & Parveen, Shama & Fangueiro, Raul. (2015). Carbon Footprint of Textile and Clothing Products. 10.1201/b18428–10.

European Parliament — Environmental impact of the textile and clothing industryWhat consumers need to know — January 2019

European Commission — Joint Research Centre — Environmental Improvement Potential of textiles (IMPRO Textiles) — january 2014

World Bank — How Much Do Our Wardrobes Cost to the Environment? — september 2019

United Nations Environment Program — Putting the brakes on fast fashion — november 2018

IUCN — Primary microplastics in the oceans — 2017

World REsource Institute — The Apparel Industry’s Environmental Impact in 6 Graphics — July 2017

Ellen MacArthur Foundation — A new textiles economy: Redesigning fashion’s future — 2017

BioRegional Development Group (BDG), WWF-Cymru, SEI — Ecological footprint and water analysis of cotton, hemp and polyester — 2005

Nature Climate Change — The price of fast fashion — 2018

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Adrien de Vriendt

I write about energy & climate. Founder of adapt, the live & forecast climate impact of electricity.